ça mange quoi en hiver, une consultante en éthique?
Dans leur parcours professionnel et scolaire, peu de gens décident de se spécialiser en éthique, entres autres parce que le domaine est relativement nouveau. Il est donc normal de se poser des questions sur cette spécialisation, somme toute assez atypique. Tentons ici de répondre à quelques unes d’entre elles.
Quel est le parcours scolaire typique d’une consultante en éthique?
Il y a plusieurs manières de se spécialiser en éthique. À l'heure actuelle, plusieurs ne se spécialisent qu'après plusieurs années d'études universitaires dans des domaines variés. D'autres se spécialisent après plusieurs années d'expérience professionnelle, notamment en tant que clinicien, et font de la consultation en éthique leur deuxième carrière.
Au moment d’écrire ces mots (2025), aucun programme complet de 1er cycle en éthique ou en bioéthique n’existe dans les universités québécoises: cette spécialisation se fait donc généralement aux cycles supérieurs.
Les étudiants aux programmes supérieurs proviennent donc de toutes sortes de milieux: droit, théologie, diverses professions de la santé, travail social, sciences biologiques, et j’en passe! Dans tous les cas, la maîtrise ou le diplôme d’études supérieurs spécialisées (D.E.S.S.) en éthique ou en bioéthique est la qualification minimale de la majorité des personnes qui exercent cette profession au Québec aujourd’hui, tant au public qu’au privé.
Pour ma part, j’ai complété une maîtrise en bioéthique suivant un baccalauréat en sciences biologiques spécialisé en génétique humaine.
Existe-t-il un organisme régulateur pour les consultant(e)s en éthique?
Aux États-Unis, il existe un examen standardisé et un organisme régulateur pour les consultant(e)s en éthique clinique, spécifiquement (Fox, 2014). Cependant, le Canada n’est pas doté d’un tel mode de régulation de la profession, notamment en raison du peu de membres et de la nouveauté relative du domaine.
Par contre, cette question anime plusieurs de mes collègues au Québec (et moi-même!) et nous reconnaissons l’importance d’avoir de la crédibilité dans l’exercice de nos fonctions (Chidwick et al., 2010 ; Regenberg et Mathews, 2005). À suivre!
Comment une consultante en éthique peut-elle m’appuyer en tant que professionnel ou organisation?
Dans un premier temps, une consultante en éthique peut offrir de la formation, dans un cadre corporatif ou de formation continue. Plusieurs avantages existent à oeuvrer dans un milieu sensibilisé à l’éthique: meilleure auto-régulation des dilemmes moraux, diminution de la souffrance morale associée à des contextes difficiles, meilleure qualité des services, meilleure adhésion aux normes de pratique, le tout s’accompagnant souvent d’une plus grande satisfaction au travail (Bell et al. 2022).
Malgré les formations en éthique pour les employés, certaines situations peuvent continuer d’occasionner un malaise ou de l’incertitude. À ce moment, la consultante en éthique peut offrir de l’accompagnement dans la réflexion en agissant comme un parti neutre et impartial, comme médiation. Si, cependant, vous êtes à la recherche d’une expertise, c’est aussi possible pour les consultantes de formuler des avis éthique qui analysent la situation en détail et formulent des recommandations.
J’offre l’ensemble de ces accompagnements dans mon offre de service.
Est-ce que je suis obligé de faire ce que ma consultante en éthique me recommande?
Pas du tout! Après tout, nous ne sommes pas la Cour ou la police morale. C’est même assez rare que nous allons suggérer une piste d’action que vous n’aurez pas vous-mêmes proposée: nous ne faisons que l’analyser plus en profondeur.
En ce sens, nous n’allons pas vous dire quoi faire, mais plutôt réfléchir aux options et leurs avantages et inconvénients avec vous. Je privilégie une approche sans jugement: c’est normal de se poser toutes sortes de questions sur notre sens éthique (oui oui, même les plus tabous).
Par contre, si vous décidez ultimement de ne pas suivre les recommandations formulées par une consultante en éthique, il ne serait pas intègre d’affirmer avoir obtenu le sceau d’une approbation éthique, car une consultation n’équivaut pas une approbation. Il est important de faire preuve de transparence par rapport à l’application (ou non) des recommandations émises.
À quel moment est-il pertinent de faire appel à une consultante en éthique?
Pour moi, trois moments clés existent, qui requièrent chacune un tact différent:
En prévention: Souvent axée sur une offre de formation, une approche préventive de l’éthique donne des outils de réflexion pour que les personnes se sentent plus à l’aise à l'encontre des enjeux.
À l’apparition d’un enjeu: Lorsqu’apparait un enjeu éthique et que vous ressentez le besoin d’un pas de recul ou d’une analyse plus approfondie.
En amélioration continue: Suite à un enjeu ayant ébranlé les partis prenantes, prendre un pas de recul et apprendre de cet évènement peut vous éviter de faire face à des défis similaires dans le futur ou à être mieux outillés pour la prochaine fois.
Bref, nous sommes flexibles dans les moments où il est pertinent de nous interpeller et nous savons adapter nos interventions.
Suite à cette lecture, il vous reste probablement encore des questions! N’hésitez pas à me les poser, et il y aura probablement quelques parties supplémentaires à cet article.
Références
Bell, Jennifer A. H., Marina Salis, Eryn Tong, Erica Nekolaichuk, Claudia Barned, Andria Bianchi, Daniel Z. Buchman, Kevin Rodrigues, Ruby R. Shanker, et Ann M. Heesters. « Clinical ethics consultations: a scoping review of reported outcomes ». BMC Medical Ethics 23, no 1 (27 septembre 2022): 99. https://doi.org/10.1186/s12910-022-00832-6.
Chidwick, Paula, Jennifer Bell, Eoin Connolly, Michael D. Coughlin, Andrea Frolic, Laurie Hardingham, et Randi Zlotnik Shaul. « Exploring a Model Role Description for Ethicists ». HEC Forum 22, no 1 (1 mars 2010): 31‑40. https://doi.org/10.1007/s10730-010-9126-5.
Fox, Ellen. « Developing a Certifying Examination for Health Care Ethics Consultants: Bioethicists Need Help ». The American Journal of Bioethics 14, no 1 (1 janvier 2014): 1‑4. https://doi.org/10.1080/15265161.2014.873243.
Regenberg, Alan C., et Debra J.H. Mathews. « Resisting the Tide of Professionalization: Valuing Diversity in Bioethics ». The American Journal of Bioethics 5, no 5 (1 septembre 2005): 44‑45. https://doi.org/10.1080/15265160500245295.